L’éthique, nouvelle victime du coronavirus !
Après trois mois d’évolution de l’épidémie dans notre pays, nous apprenons avec soulagement que des masques et des tests sont commandés et que l’essai clinique Discovery vient d’être lancé.
L’essai Discovery est un essai clinique d'efficacité et de tolérance comportant cinq modalités de traitement (ou bras) dont quatre incluent un traitement antiviral :
* Bras 1 : Soins standards
* Bras 2 : Soins standards plus remdesivir (par voie veineuse)
* Bras 3 : Soins standards plus lopinavir et ritonavir,
* Bras 4 : Soins standards plus lopinavir, ritonavir et interféron bêta
* Bras 5 : Soins standards plus hydroxy-chloroquine.
Cet essai est randomisé, les traitements étant attribués de façon aléatoire aux participants de manière à constituer 5 groupes équivalents en nombre de patients. Ils concernent des patients hospitalisés, que ce soit en réanimation ou dans un autre service hospitalier. Il s’agit d’un essai “ouvert” et non d’un essai “aveugle” ou en “double aveugle”, c’est-à-dire que les soignants et les patients sont informés du traitement attribué. L’analyse de l’efficacité et de la sécurité du traitement est évaluée 15 jours après l’inclusion de chaque patient.
Premier problème éthique : les promoteurs de l’étude précisent qu’« aucun patient ne se voit administrer de placebo ». Mais que dire des 20% de patients choisis au hasard qui reçoivent des « soins standards » (Bras 1), autrement dit des soins « sans traitement antiviral ». Comparé aux autres bras de l’essai, le bras 1 correspond en réalité à "soins standards + verre d’eau" ou "soins standards + sucre". Dans le contexte actuel de pandémie de COVID-19, présentée comme la catastrophe sanitaire du siècle, est-il éthique de proposer (trois mois après le début de l’épidémie) un essai dans lequel 20% des patients hospitalisés ne seront pas traités par un antiviral ? Et nous posons la question : combien de médecins, notamment parmi les promoteurs de cet essai, hospitalisés pour une forme sévère de COVID-19, accepteraient d’être inclus ou de voir un membre de leur famille inclus dans le bras 1 ?
Deuxième problème éthique : de quelle façon est recueilli le consentement éclairé du patient dans cet essai ? Un patient hospitalisé pour une forme sévère de COVID-19 (nous disons sévère car sinon il ne serait pas hospitalisé), reçoit-il d’un médecin hospitalier une information claire et précise sur les cinq modalités de traitement permettant de recueillir son consentement éclairé ? Quel type de formulaire lui propose-t-on de signer ? Et dans le cas où il se voit inclus par tirage au sort dans le bras 1, peut-il se retirer de l’essai et réclamer un traitement antiviral ?
Nous espérons que les spécialistes des questions éthiques mais aussi juridiques vont se pencher sur ces questions.